Comme dans le film ! de Serge Meynard (éditions Baudelaire)

 



C'est avec curiosité que j'ai débuté ce roman. En effet, il y est question de similitudes avec le film Rosemary's baby, film qui m'a marqué pendant l'adolescence. A savoir, que j'ai lu le livre avant de voir le film et que j'ignorais alors qu'il était de Polanski. On ne parlait pas non plus aussi ouvertement de son sombre passé (malgré sa célébrité, le monsieur a été reconnu coupable de viol par un tribunal américain). On y retrouve en actrice principale Mia Farrow, au destin également tristement marqué par la trahison sordide de son mari et la remise en cause dont est victime toute femme osant révéler les lourds secrets d'un homme célèbre... 

Si vous souhaitez découvrir Rosemary's baby, sans regarder le film, le livre est tout à fait adapté. Connaître les grandes lignes de l'histoire me paraît nécessaire pour savourer pleinement le roman "Comme dans le film!"

L'auteur Serge Meynard est scénariste et réalisateur de long métrage, information qui peut être utile, car on sent son amour du cinéma et de la littérature, à travers ce roman.

Dans « Comme dans le film !» Vera emménage, enfin seule, dans un appartement Haussmannien de Paris, où elle poursuit ses études de lettres.

Dès son arrivée dans les lieux, une étrange sensation lui évoque le film Rosemary's baby, qu'elle a visionné plus jeune, avec son père cinéphile. Au fil des jours passés dans ce nouvel appart, qui devient vite à la fois son refuge et son malaise quotidien, Vera remarque de curieuses similitudes entre sa vie et le film. D'où le titre si bien choisi « comme dans le film ! »

Dans ce récit écrit à la première personne, Vera raconte, avec recul, sa vie quotidienne au sein de son immeuble, les gens avec lesquels elle évolue, les rencontres, les scènes du quotidien, de la routine aux événements étranges et dérangeants.

Vera s'avère être un personnage fascinant, à défaut d'être aimable. Froide dans ses relations « amoureuses », elle reste polie mais distante avec les autres, se défendant à coup d'humour noir, d'ironie et de cynisme. Sa peur de l'attachement, de l'engagement et de la notion même de couple laisse deviner des fêlures, que l'on ne comprend qu'à la toute fin du récit.

Intelligente, déterminée, son amour des livres et des mots m'a rapprochée d'elle. Sa soif d'indépendance, sa volonté de se protéger de toute implication trop ancrée dans une relation m'a également interpellée.

Malgré sa froideur apparente, j'ai adoré ce personnage, son naturel, sa féminité et son indépendance assumés. Ce fut un plaisir de la suivre, que ce soit au fil du récit, à travers ses pensées cyniques, ou ses réparties parfois cinglantes.

Auprès de Vera se côtoient des personnages secondaires, non moins intéressants par leur personnalité et leur rôle dans le récit. Certains font preuve d'une duplicité et éveillent la méfiance de Vera, la notre aussi... Nous avons donc :

- Céline est la bonne copine, disponible, à l'écoute, vivifiante pour Véra et le récit. Elle sert de bouée de secours à Vera dans les moments difficiles, la conseille et la sort de son isolement.

- Thomas, petit ami « non attitré » de Vera car elle reste phobique de la notion de couple, est un acteur rencontré après la représentation d'une pièce de théâtre « L'homme qui rit », un des romans fétiche de celle ci. Il est sûr de lui, beau gosse et il le sait, sosie d'Heather Ledger, égocentrique, mais amoureux.

On ne comprend pas bien ce qui les unit, car ils évoluent dans deux mondes étrangers l'un de l'autre. Lui et Vera vivent pourtant une histoire plus ou moins intense, troublée par le comportement parfois étrange du jeune homme, voire douteux. Il n'y a pas de romance à proprement parler dans le livre. (Le récit reste centré sur les mystérieuses similitudes avec le film.)

- Claire-Rose Navart, la vieille voisine bizarre, cachottière, envahissante, voire intrusive, ne peut que nous rappeler la voisine malintentionnée de Rosemary. Vera fait immédiatement le rapprochement à son sujet et ne peut qu'éprouver des sentiments extrêmement mitigés à son égard (surtout après avoir anagrammé ses prénom et nom et lui avoir découvert, par ce biais, une identité maléfique)


La narration à la première personne s'avère extrêmement pertinente pour l'intrigue du récit. On a le point de vue unique de Vera qui nous livre son malaise, sous l'influence du film qu'elle a visionné plutôt jeune. En tant que lectrice, je me suis posé des questions sur le traumatisme qu'a pu engendrer cette expérience, d'un film flippant sur une toute jeune fille. Ainsi le doute est toujours permis entre paranoïa et réel danger. Et ce jusqu'à la fin du roman.

Dans son récit, Vera livre les scènes du quotidien, qu'elles soient inoffensives ou malaisantes, parfois même effrayantes. Les descriptions sont précises, mais la narration reste vivante, entraînante. On lit sans jamais se lasser, avec plaisir et l'envie d'avancer pour saisir l'élément qui nous permettra de trancher entre mythe ou réalité. Mais l'auteur, subtile, nous mène là où il le souhaite et sait garder notre attention en éveil.

Il distille mystères et indices, confortant Vera toujours plus dans sa comparaison cauchemardesque et nous fait douter de plus en plus, sans pour autant oser se ranger d'un côté ou d'un autre.

Alors simple parano ou réalité horrifique ? Bonne question, et il faut lire le livre pour y répondre...


Si la fin semble prévisible, car les indices (malgré leur duplicité) nous ont menés à cette conclusion, l'auteur nous réserve cependant un épilogue réjouissant et nous en apprend un peu plus sur l'évolution de Véra, qui reste à mes yeux le thème principal du roman.

La plume fluide est riche nous emmène du registre soutenu au familier avec une aisance maîtrisée. Elle confère fluidité et naturel à la narration, s'adapte à la personnalité de Vera, narratrice du roman et propose un récit qui se lit avec grand plaisir.

Dans le roman, j'ai retrouvé un discours moderne évoquant le consentement (une scène peut s'avérer un peu difficile (TW viol) ). L'auteur, sans s'épancher sur le sujet, rappelle via cette scène que le non consentement est un viol. Même si Vera passe assez rapidement sur cet épisode, l'avertissement est donné. Vera minimise un peu, après coup, cet événement, mais cela correspond à sa personnalité et à sa volonté farouche de rester maîtresse de son destin.

Il y est également question d'avortement et du droit des femmes de disposer de son corps et de sa vie.

Ce respect implicite des droits des femmes s'insère parfaitement dans le récit, correspond à une Vera résolument moderne, au comportement féministe (qui l'assume même si elle ne le revendique pas) et à une évolution qu'on ne devrait plus renier à l'heure actuelle.


J'ai noté dans le livre des références littéraires et j'avoue que j'ignorais le lien entre « L'homme qui rit » de Victor Hugo et le personnage du Joker. Le roman « L'homme qui rit » a bien entendu rejoint ma pal ! Et j'ai hâte de trouver un peu de temps pour me plonger dedans.


Vous l'aurez sans doute compris. Ce roman fut une excellente découverte et même un coup de coeur! 

Je remercie les éditions Baudelaire pour leur confiance et cette lecture passionnante...






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