Bigué de Frédérique de Lignières(éditions l'Andriague)

 


Ce roman de Frédérique de Lignières, publié chez les éditions L'Andriague est un récit poignant, une histoire douce- amère, celle de la jeune Bigué. C'est aussi l'histoire d'un père et de sa fille qui nous révèlent Bigué, la belle, la tendre, Bigué joyeuse et innocente, Bigué buttée et sous emprise.

Dans le récit, le père et la fille se partagent la narration. Découvrir l'histoire de Bigué de leur point de vue, sans avoir celui de celle ci, déconcerte quelque peu au début. Mais, ils racontent leurs moments et secrets partagés avec elle, leurs plaisirs coupables pour le père, innocents et tendres pour sa fille, leurs doutes et inquiétudes... et ils nous livrent un portrait juste, lumineux et triste de la jeune femme.

Bigué entre dans la vie du père de famille, puis de celle de sa fille en tant que Fatou, dans leur villa au Dakar. En tant que Fatou (domestique), elle s'occupe de la maison, des repas, puis de Xavière la fille de la maison. L'histoire se passe dans les années 50 et le père, officier de marine français éprouve une attirance immédiate pour la jeune femme à la fois timide et franche, si belle et sensuelle.

Dans le début du récit, c'est le moment où, dès le premier soir, le père prend la jeune femme pour maîtresse, qui m'a titillé. On ne sait pas si Bigué est consentante ou contrainte et silencieuse, car, à aucun moment, l'homme sûr de son charme, ne lui demande son avis.

D'emblée, j'ai eu du mal avec ce père de famille, si sûr de lui. Il correspond bien au personnage de l'homme blanc qui arrive en conquérant, cet officier des années 50, s’octroie des privilèges sans se poser de questions. .

Son comportement m'a interrogée plus d'une fois, non pas qu'il soit mal caractérisé, bien au contraire... mais parce que son côté égocentrique, désagréable et parfois malaisant était bien mis en évidence. Sans aucune remise en question, il fait parfois preuve d'une lâcheté, d'une mauvaise fois et d'une cruauté qu'il n'assume pas.

D'un autre côté, il sait se montrer gentil et avenant, charmeur et séduisant. Bigué, sa maîtresse, bénéficie de ses gentilles attentions, mais subit aussi ses lâchetés, sans pour autant le lui reprocher.

Sa fille, Xavière, 10 ans, arrivée à Dakar quelques temps après son père, trouve en Bigué une grande sœur, attentive et tendre, une complice et la personne affectueuse qui la réconforte quand son père se montre trop dur avec elle. Elle raconte les moments de joie simples, mais aussi les incompréhensions, les plaisirs exotiques de Dakar et le choc des cultures, dont elle prend plus ou moins conscience du haut de ses dix ans.

Même la mère de Xavière, elle même arrivée ultérieurement, se prend également d'affection pour Bigué et propose de la sauver de ses conditions de vie au Dakar, en l’amenant en France avec eux.

Dans ce bonheur quotidien simple et familial, l'ombre de « La tante » de Bigué plane, omniprésente, menaçante et contraignante. Bigué ne prend aucune décision seule, se référant toujours à Abby, la Fatou de la villa voisine, et demandant systématiquement la permission à la « tante » qui négocie âprement ses services. On devine vite quelles relations les lient et les comportements odieux d'Abby et la tante ne laissent pas indifférents.

Avec Bigué,on vit dans un Dakar ensoleillé et lumineux. On aime, vit, et rit, on tremble, se révolte et comprend la destinée qu'embrasse Bigué...

Bigué est vraiment un personnage attachant. Elle est à la fois forte et fière, douce, innocente et sensuelle. C'est une belle personne qu'on prend plaisir à suivre, à travers le regard des deux autres protagonistes.

L'écriture de Frédérique de Lignières est riche, adaptée au récit, précise et propice au voyage. Ce voyage est coloré et emplis de fragrances. Les sensations sont bien présentes et importantes dans le récit.On découvre Dakar, non pas l'Afrique imaginée et fantasmée, mais celle réelle, vivante, offrant ses couleurs, titillant l'odorat, les papilles, mais aussi ses traditions d'un autre âge et inhumaines.

Les chapitres plutôt courts, le récit aéré, apportent rythme et clarté, un dynamisme plaisant, malgré un sujet parfois difficile. Les caractérisations des personnages sont également fort bien maîtrisés.

En conclusion, Bigué est un récit touchant. D'un côté j'ai voyagé, apprécié les petits plaisirs simples, de l'autre je me suis révolté sur le sort de Bigué, victime d'injustice, mais restant toujours forte et fière.

J'ai beaucoup aimé ce roman, que j'ai dévoré avec plaisir.

Je remercie les éditions l'Andriague et Frédérique de Lignières pour leur confiance et cette très belle lecture.


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