Les cantiques de la lune T1 L'archipel de Laetitia Tran

 


Si je devais qualifier ma lecture du premier tome des Cantiques de la lune en trois mots, ce serait : Intrigante, envoûtante et sensuelle


Ce premier tome « L'archipel, de Laetitia tran est écrit en respectant une spécificité grammaticale choisie et assumée par l'autrice : le féminin l'emporte sur le masculin. Si l'idée vous importune, vous insupporte, passez votre chemin. Si par contre, votre curiosité l'emporte, comme ce fut le cas pour moi, partez à la découverte d'un roman singulier de par son écriture (et bien d'autres caractéristiques). Le résultat est fascinant et porte à la réflexion.

Pourquoi se plier à une telle règle ? Là, seule l'autrice pourrait répondre, mais cette écriture s'insère avec cohérence dans le récit doté d'un système matriarcal bien ancré.

Bien sûr il faut (et là si je suivais la règle, j'écrirais « elle faut ») s'y habituer. Ce féminin omniprésent nous bouscule dans notre lecture, dans notre pensée et nous fait réfléchir. En effet, on réalise à quel point la masculinisation de notre langage fait parti de nous. Et il s'agit (elle s'agit) d'une spécificité linguistique française. Quand on dit « Il pleut » (pronom masculin) en français, on dit « it's raining » en anglais (it, pronom neutre). C'est mon garçon qui m'en a fait la remarque, quand nous avons discuté sur le sujet. Discussion amplement intéressante et instructive et qui prouve encore une fois la pertinence du pronom neutre.

Dans le roman l'univers construit par l'autrice se compose d'une société matriarcale forte.

La remise en cause du patriarcat fait suite à des catastrophes écologiques, entre autres, qui ont menés notre société à sa perte.L'humanité a décidé de se préserver, et d'optimiser ses chances de survie, grâce à un inversement des rôles : les femmes ont pris le pouvoir.

Nous ne sommes pourtant pas, non plus, dans une société égalitaire, mais dans un sexisme inversé. Le personnage principal étant un homme on assiste à des scènes de drague plus qu'insistantes et insultantes, des propos déplacés, le port du voile, etc... Et, ce qui pousse encore plus la réflexion à travers ces scènes, c'est qu'elles nous choquent encore plus que si le personnage avait été une femme... J'aurai été choquée bien sûr, mais moins surprise, tellement on « s'habitue » (même sans l'accepter) aux comportements déplacés envers les femmes. Le mépris réservé aux hommes n'est ici qu'un miroir de celui réservé aux femmes dans notre société.

J'ai apprécié le questionnement sur le sexisme qu'apportent à la fois l'écriture et l'univers matriarcal.


L'univers s'avère construit, travaillé et cohérent, même si un peu binaire.

Suite à la fonte des pôles et aux inondations sur terre, de nouveaux territoires ont été colonisés sur les terres émergée. La géopolitique de ces nouveaux territoires, apparaît également bien construite, claire, originale.

Il existe deux mondes très différents : d'un côté Lunis, territoire construit sur un désert de glace, où la population ne sort pas de leurs appartements. Les tours dans lesquelles ils vivent s'organisent hiérarchiquement par étage.

Lunis possède les connaissances technologiques et scientifiques, ainsi que Ruang (IA) qui gère leurs installations et leurs vies.

D'un autre côté, l'Archipel, organisation d'îles (auquel s'ajoutent d'autres îles indépendantes), au climat plus clément, possède, lui, les ressources premières : avec ses forêts, mines, eau etc...

L'institution des érudites et des prieures se voit chargée de la protection et de la régularisation de ces ressources naturelles. C'est tout un écosystème qui fait des envieux (surtout sur Lunis) et qu'il faut préserver.

Les enjeux écologiques, primordiaux sont au cœur de l'intrigue. L'essentiel du récit se passe dans l'Archipel, mais l'on perçoit très bien les composantes de l'univers Lunienne. On assiste à leur rapprochement, la recherche d'un équilibre, où chacun trouve son compte, dans une alliance difficile à trouver.

Les informations suivent le déroulement du récit, sont livrées à bon escient et on s'imprègne de l'univers avec facilité et plaisir.


L'action se passe dans un futur lointain, non quantifiable puisqu'on fonctionne sur le calendrier du renouveau. Les technologies et sciences côtoient un monde teinté de Fantasy exotique. Il s'agit donc de Science-Fantasy. Le mélange des deux genres très bien maîtrisé, offre un mix savoureux à la lecture. Je suis, je l'avoue, fan de ce type de romans. (le dernier en date qui m'est marqué autant fut la saga Terre des ombres de Josépha Juillet.

J'ai beaucoup aimé les personnages et les relations qui les unissent, entre intrigues familiales, amoureuses, complots. Ils sont nombreux, bien caractérisés et nuancés, ce qui permet de ne pas se perdre dans le récit et de les apprécier avec leurs qualités et défauts.

Sura, personnage principal est un homme rude, têtu et emporté, mais qui croît en ses valeurs : c'est un idéaliste écolo. L'enjeu, d'une grande importance à ses yeux, tant il a à cœur de protéger la nature, le rend amer face à l'inaction de ses pairesses. Les îles se font dépouiller de leurs ressources et les coupables à ses yeux ne peuvent être que Lunis et ses dirigeants.

Il considère les Luniens comme des être futiles, profiteurs et destructeurs. En quête de vengeance, rempli de haine et rancœur envers les Luninennes, il ne reste pourtant pas de marbre face au prince Lunien Jalil. Celui ci fait parti d'un passé douloureux pour Sura, mais le destin les réunit à nouveau.

Sura possède un étrange don, original, aussi bénéfique qu'il pourrait s'avérer dangereux.

J'ai adoré ce personnage malgré sa mauvaise humeur récurrente. Cela fait parti de son charme un peu rude et à fleur de peau.


Suite à un échange diplomatique, le prince Lunien Jalil accompagne la princesse Seena au sein de la réserve de l'Archipel, pour qu'elle devienne Prieure. Placé sous la protection de Sura, le prince n'est pas mécontent de retrouver celui ci, même si la réciprocité n'est pas immédiate.

Jalil se montre chaleureux et sensible, curieux, avide de savoir. Il est sans conteste un personnage charmant et pétillant ! Pourtant, il mène, au sein de la royauté et sur un plan religieux, une vie pas forcément libre et heureuse, et détient également son lot de secrets.

La relation entre les deux protagonistes se déroule en plusieurs temps, au fil de leurs retrouvailles espacées dans le temps. Et, je préfère vous avertir que le destin (l'autrice donc...^^) n'est pas forcément toujours tendre avec eux.

La romance reste importante et bien présente mais n'empiète pas sur l'intrigue principale. Elle s'y intègre pertinemment et l'enrichit de par les différences des deux hommes.

Il ont un passé et un passif et doivent réapprendre à se connaître, s’apprivoiser.


Dans le roman j'ai adoré l’écriture, la narration et l'atmosphère.

Dès le prologue l'autrice donne le ton avec une scène à la sensualité latente, tendre et douce.

L'écriture subtile,sensuelle, onirique, sensuelle, colorée et visuelle nous emporte.

On oscille entre moments de quiétude, de beauté et d'onirisme (paysage,danses,...) mais le récit ne manque pas également d'action et de rudesse (sans tomber dans la violence gratuite). L'autrice adapte à merveille son écriture et la narration aux besoins du récit, pour un ensemble harmonieux.

La narration fluide et prenante nous transporte au sein de l'archipel et de la réserve, à travers une ambiance exotique et des descriptions très colorées


J'ai dévoré ce livre en deux jours...quelle claque ! Un énorme coup de cœur.

Je remercie l'autrice de m'avoir permis de découvrir cette fabuleuse histoire et j'attends avec impatience la version reliée, commandée dans la foulée et qui devrait arriver la semaine prochaine.

Maintenant, passons aux choses sérieuses... à quand la suite ?!



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