L'acidité des Airelles de Olin Torvingen (Homoromance éditions)

 


Si j'aime beaucoup la couverture du roman « L'acidité des airelles », son titre peu commun, c'est le résumé qui m'a interpellée. J'ai vu Fantôme,Belphégor, une histoire à Paris et un changement de vie, et je me suis laissée tenter. Bon, je l'avoue, ma première impression n'était pas la bonne et c'est entièrement de ma faute. Je pensais qu'il il y aurait une pointe de mystère et ce n'est pas le cas. Il suffit pour s'en rendre compte, de regarder la quatrième de couv, puisque le livre fait parti de la collection « Feel Good » d'Homorance éditions. Pourtant, je n'ai pas été déçue, bien au contraire, car « L'acidité des airelles » est un livre qui fait vraiment du bien et qui m'a touchée plus que je ne saurais le dire !


Le point fort du roman, ce sont les deux personnages, Allen et Sara, qui forment la structure du récit, ainsi que les autres personnes qui gravitent autour d'elle.

L’autrice installe l'histoire personnelle des deux jeunes femmes, nous fait découvrir leur vie, leurs caractéristiques et leurs failles. On apprend à les connaître, en même temps qu'elles le font mutuellement. C'est donc une découverte progressive. On tisse des liens avec ces deux personnages féminins, autant qu'elles tissent des liens entre elles. Loin d'un coup de foudre ou d'une attirance immédiate, la relation évolue lentement entre les deux protagonistes, d'autant que si Allen assume son homosexualité, sans vraiment l'afficher, ni le cacher, Sara de son côté est hétéro.

J'ai trouvé cette progression dans le récit intéressante, car on prend vraiment le temps de comprendre les personnages, leur passif, leurs traumatismes et les conséquences sur leur vie.


Le récit débute avec Allen qui, même si la narration est alternée, prend beaucoup de place dans le récit. Revenue de Stockholm depuis peu, ayant répondu favorablement à une opportunité professionnelle sur Paris, elle occupe un poste de responsable de sécurité dans un grand hôtel Parisien. Nostalgique de la Suède, où elle avait trouvé un semblant d'équilibre, elle peine à reprendre sa place à Paris, dans une ambiance de travail difficile, avec des anciens amis qui se défilent ou avec qui elle n'a plus d'affinité, mais aussi et surtout avec une mère toxique à laquelle elle ne peut plus échapper depuis son retour en France. Elle se sent de plus en plus isolée, en proie à son anxiété sociale, ses crises de paniques. Pourtant, elle arrive encore à donner le change au travail et reste d'un calme (parfois héroïque) dans les situations difficiles, voire humiliantes auxquelles elle est confrontée.

Évidemment, cette anxiété ne la définit pas. C'est une femme forte, minutieuse, professionnelle dans son boulot et généreuse. Elle est capable de beaucoup, même si elle ne sait pas comment aborder les autres, leur montrer ses émotions. C'est vraiment un personnage fort et qui me parle énormément.

Mon trouble de l'anxiété et moi nous sommes très bien identifiés à elle, à ses difficultés quotidiennes, au manque de compréhension et à l'injustice qu'elle subit.


Sarah, le Belphégor d'Allen, paraît plus solaire, malgré les difficultés qu'elle rencontre. Pourtant sa vulnérabilité peut la rendre méfiante et cassante. Elle ne comprend pas pourquoi Allen l'aide à surmonter ses problèmes, mais va tout de même faire l'effort de la comprendre, de s'adapter à son quotidien particulier, où l'anxiété et les tocs sont omniprésents. Loin d'en faire un tabou, elle amène patiemment Allen à se confier et à se reposer sur elle. Son empathie et sa souplesse de caractère apporte un vent de fraîcheur dans la vie d'Allen et dans le récit.


En effet, Allen n'est pas toujours facile à vivre. Ses mécanismes d'autodéfense la poussent à des attitudes exigeantes, des réparties cinglantes. Sara sait désamorcer des situations explosives et détendre l'atmosphère par son humour et sa bienveillance.

La compréhension de Sara permet d'installer, au fil des pages, une confiance mutuelle entre les deux femmes, malgré des périodes chaotiques : la cohabitation entre elles connait des débuts difficiles. La confiance durement gagnée s'accompagne, à la longue, de tendresse, pour devenir intimité et légère séduction. On est vraiment dans un slow burn, où la relation et l'enjeu de bien être prennent le pas sur la romance. Mais, si celle ci tarde à se mettre en place, le récit ne manque pas de sensualité. De plus, la relation entre les deux jeunes femmes semble naturelle et complémentaire.


La famille tient un rôle important également dans l'histoire.

La famille de Sara, restreinte à sa mère et amies proches, n'est pas aussi problématique que celle d'Allen.

En effet, Allen n'a jamais reçu l'amour de sa mère, qui n'a su que l'humilier et la rabaisser depuis l'enfance. Elle est responsable des traumatismes de sa fille et la traite comme une « psychopathe ». Peu proche de son frère qui a suivi les pas de sa mère, elle entretient pourtant une relation privilégiée avec sa nièce Lucie, qui s'avère être une jeune fille adorable. Le destin l'amène également à faire la connaissance de son neveu John.

D'autres amis viennent se greffer aux relations du couples, que l'on apprécie pour leur gentillesse et leur compréhension. D'autres par contre, ne reculent devant rien pour parvenir à leurs fins par méchanceté et égoïsme.


Olin Torvingen nous offre, à travers l'histoire de Sara et Allen, un récit intimiste, centré sur ses personnages, une narration presque analytique dans leur développement personnel. Les scènes sont détaillées, bien visualisables. La plume est fluide et la lecture très agréable. Elle sait nous plonger dans les différentes ambiances et les différents états d'âme des personnages.

Petit plus : des références musicales appréciables. J'avoue avoir été scotchée dès le début avec une référence à Garbage et leur fameuse chanson « Stupid girl ». Et mêler dans sa narration une confrontation entre Allen et un autre personnage, dévoilant l'état d'esprit d'Allen, qui garde un calme à toute épreuve, tout en ponctuant ses idées des morceaux de la chanson, c'était particulièrement plaisant à la lecture. Oui, je l'avoue, dès cet instant j'ai su que j'allais apprécié le reste de ma lecture : un peu comme un bon présage...


J'ai donc eu un gros coup de cœur pour ce roman que je vous invite à découvrir. C'est un roman à avoir dans sa bibliothèque, car c'est un roman qui fait du bien. Il nous montre qu'une rencontre avec la bonne personne peut changer bien des choses. Mais aussi, il évoque avec beaucoup de pertinence l'anxiété sociale et ses conséquences : l'incompréhension et l'isolement de la personne anxieuse. Il est la preuve qu'il suffit d'un peu de patience et d'un petit effort mutuel pour se rapprocher d'une personne anxieuse, qui même si ce n'est pas toujours visible ou flagrant, fait bien des efforts au quotidien, pour évoluer en société.

Je remercie Homoromance éditions pour cette très belle découverte et pour leur confiance.


Vous retrouverez ce roman sur le site d'Homoromance Editions, ici


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